Réponse à Princesse Périnée


Hier, le compte Instagram de Princesse Périnée a publié un post « L’obésité en 7 points » qui véhicule de nombreux raccourcis faux et d’idées, selon moi, nocives. Parce qu’elle bénéficie d’une très large audience, je me permets de rédiger une réponse. 


Cet article n'est en rien une attaque contre la personne derrière le compte ni une invitation à lui envoyer de la violence. Il est juste l'exposition d'un regard différent sur un même sujet.


SLIDE 1 & 2


Déjà au sujet de l’utilisation du mot obésité et «de ce qu’on sait qu’elle serait».


Il ne faut pas aller chercher très loin pour trouver la définition de l’obésité que Princesse Périnée met en avant. La très respectée Organisation mondiale de la santé la définit elle-même comme : une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé. L’OMS affirme aussi que passé un certain IMC on est malade.


Pourtant, quand on s’intéresse au sujet et qu’on passe du temps à éplucher les études scientifiques, on découvre très vite en quoi cette définition est réductrice et nocive. Aujourd’hui on sait que 51% des personnes avec un IMC au delà de 30 dit “obèse” sont “métaboliquement normaux”. Et 18% des personnes avec un IMC entre 18,5 et 24,9 dit “normal”ont des troubles métaboliques (les mêmes qu’on s’évertue pourtant à imputer à la grosseur).


Continuer à maintenir le discours dominant qui affirme qu’être très gros.se c’est forcément être malade est donc factuellement faux, en plus d’être une violence.


Pourquoi c’est une violence ? Liste non exhaustive :


  • Parce que se voir dire qu’on est malade a des effets psychologiques, est un fardeau et a un coût : suivi médical renforcé, traitements potentiellement inutiles et/ou invasifs… 

  • Parce qu’au prétexte que la grosseur serait une maladie les gens justifient leur violence.


SLIDE 3



















Il me semble ici étrange d’énoncer quelques-unes des nombreuses limites de l’imc - et donc d’en avoir conscience ? - mais de tout de même l’utiliser, lui donnant au passage toujours plus de crédibilité.

Le principal problème de l'IMC est qu'il donne une caution mathématique injustifiée aux limites - arbitrairement posées - entre les différentes catégories (maigreur, normalité, surpoids, obésité).

J’avais écrit sur le rôle qu’il a joué dans la création de “l’épidémie de l’obésité” ici - si jamais le sujet vous intéresse. 


Même si L’IMC tente de prétendre le contraire, le seul moyen d’en apprendre plus sur la santé d’une personne c’est de s’entretenir avec elle : Comment mange-t-elle ? Pratique-t-elle une activité physique ? Comment va-t-elle ? A-t-elle un emploi stable ? Est-t-elle entourée ? ...


SLIDE 5



















On observe en effet des corrélations entre la grosseur et certaines maladies. Princesse Périnée en cite plusieurs : diabète de type 2, maladie du foie, des reins, respiratoires, hormonales, articulaires… Mais une corrélation n’est pas une causalité.


Je parle très souvent de la différence entre les deux parce que ça me semble primordial tant on impute systématiquement tous les problèmes des gros·ses uniquement à la grosseur. Le lien de causalité c’est donc quand un événement en produit un autre alors qu’une corrélation c’est le constat que deux événements existent simultanément. Chercher si d’autres facteurs n’entrent pas en jeu permet de poser un regard moins simpliste sur nos corps et, de mon humble avis, plus juste. 


Par exemple, de nombreuses études ont montré qu’un environnement hostile et l’obligation de développer des stratégies pour y faire face plongeaient dans un état de stress permanent qui finissait par avoir un impact réel sur le corps : il s’agit de la charge allostatique. Si les recherches existantes portent rarement sur les effets de la grossophobie, encore peu étudiée, les mécanismes à l'œuvre sont les mêmes pour toutes les discriminations : l’anxiété entraîne une production de cortisol (hormone du stress) qui déclenche une cascade d'événements adaptatifs dans l'organisme. Mais lorsque le stress est chronique, cette adaptation finit par bouleverser le corps et avoir des conséquences négatives sur les systèmes cardiovasculaire, neuroendocrinien, inflammatoire et métabolique.


Alors, est-ce la grosseur qui favorise le diabète de type 2 ou est-ce le fait d’être quotidiennement exposé.es à de la violence - que ce genre de post légitimise ?


SLIDE 6



















Je pense que définir la grossophobie uniquement par par “C’est le fait de réduire une personne à une seule de ses caractéristiques” est très vague pour qui ne la connaitrait pas.


Je me permet donc de vous glisser la définition de notre association - Fat friendly.

Grossophobie : hostilité, incluant préjugés, stigmatisation, discrimination et exclusion, envers les personnes grosses fondée sur une hiérachie des corps où la minceur serait la norme et l’idéal et sur l’idée que la grosseur serait pathologique par essence.


On la réduit trop souvent aux insultes et au rejet. Alors que la grossophobie est protéiforme et systémique. Elle impacte tous les aspects de la vie des personnes concernées : body-shaming et difficultés dans la sphère privée, mais aussi discriminations à l'embauche, écart de salaire, mauvaise prise en charge médicale, impossibilité d’accéder à la PMA (procréation médicalement assistée), contraception inefficace, harcèlement ordinaire dans l'espace public, difficultés voir impossibilités de s'habiller en magasin et à prix raisonnable, mobiliers et transports en commun inadaptés…


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Affirmer “qu’informer et accompagner sur les risques de l’obésité n’est pas grossophobe” me semble aussi si peu ok pour deux raisons :


1) Comme expliqué plus haut, c’est sous-entendre qu’une personne grosse encourrait forcément des risques - ce qui est faux.

2) C’est légitimer ce que tout le monde fait déjà : obliger les corps gros à vivre perpétuellement avec l'idée qu'ils vont mourir d'un jour à l'autre en leur répétant continuellement.


On vit dans une société super-grossophobe qui a décrété que « l’obésité est une pandémie qu’il faut enrayer », ne doutez donc pas une seconde que toutes les personnes grosses de cette foutue planète connaissent les risques que vous voulez leur réexpliquer. Vous avez bien plus de chance de prendre soin des personnes grosses en les laissant tranquilles.


SLIDE 7



- Personne ne va guérir ou ne pas guérir de l’obésité puisque l’obésité est une maladie qui n'existe pas. Je sais que cette punchline en fait grincer des dents beaucoup, mais comme expliqué plus haut, décréter que toute une frange de la population est malade par essence passé un certain IMC est faux. Et il est urgent de changer de prisme sur la question.


- L’idée qu’une perte de poids de 5% est bénéfique est faux.

Par contre, il est vrai que mettre des bons trucs dans son corps et du mouvement dans sa vie aura toujours un impact bénéfique sur la santé de toustes. Et la nuance est grande.


- Affirmer que les professionnel.les de santé, psy et diététicien.nes sont toujours nos allié.es c’est si peu connaître nos réalités. Trouver des soignant.es non-grossophobes est un parcours du combattant. Et si se faire suivre avec bienveillance est essentiel, ça reste peu simple.


2ème SLIDE 7



L’apogée.


Au vu de leur violence, de leurs conséquences néfastes, de leur taux de mortalité et de leur faible taux de réussite, je ne comprend pas qu’on puisse encore citer les opérations bariatriques comme une solution possible et envisageable pour remédier à la grosseur. La chirurgie bariatrique c’est littéralement amputer un organe sain pour aucune raison valable. J’ai déjà longuement écrit à ce sujet ici.


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Le mouvement est essentiel à la vie de toustes. 

Mais continuer à le présenter comme un moyen de maigrir est faux et décourageant : tant de personnes font du sport mais finissent par se démotiver parce qu’elles ne perdent pas de poids - alors qu’elles étaient en train de gagner en santé.


VOILA, ce n’est pas le papier le mieux écrit de la terre et chaque argument pourrait être développé bien plus longuement mais c'est un travail assez laborieux et surtout un travail déjà en partie fait sur mon compte instagram. J'espère cependant qu'il vous aidera à adopter une lecture plus critique.


Et je me permets d’ajouter : j’ai bien vu les commentaires disant à Princesse Périnée que son post leur a fait du bien. Et je comprends. Pour beaucoup l’idée que la grosseur serait forcément une maladie est rassurante, parce qu’elle enlève la culpabilité qu’on leur pose sur les épaules. D’un coup celles et ceux qui ont passé leur vie à enchaîner les régimes, les restrictions, le sport et la honte - en vain, trouvent de l’espoir : peut-être que n’est-ce finalement pas de notre faute ?


Et ce n’est, en effet, pas de leur faute parce qu’il y a mille raisons d’être gros.ses - la première étant la génétique et la seconde très certainement les régimes (qui sont la cause de prise de poids numéro 1). Mais surtout : dans un monde où on n’accablerait pas les personnes grosses, elles n’auraient pas besoin d’être soulagées. Simplement.


Vous n’avez pas besoin de vous pensez en corps malades pour trouver du soulagement. Votre corps gros a le droit d’exister malade ou non. Personne n'a le droit de vous accabler pour ce qu’il est. Personne.

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